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Guerre de Libération

Histoire


1954-1962 - La Guerre de Libération

La ville de Bou-Ismail, à l’instar des autres villes et villages d’Algérie a participé concrètement à la lutte politique et armée qui a mené à la libération de la patrie. Elle a marqué l’histoire de la lutte de notre peuple par les sacrifices de ses meilleurs fils et filles. Les Bou-Ismailois ont participé directement aux différentes phases du mouvement nationaliste dès la première heure sous l’impulsion des premiers partis nationalistes.
C’est ainsi qu’en 1938 est née la première cellule embryonnaire du PPA (Parti du Peuple Algérien) composée de militants de la première heure. On peut citer les responsables politiques de l’époque

CHAOUCH Mohamed
ZERGUI Kaddour
BELHADJ Abdelkader
MISSIOUI Omar
BECHKENDI Bouamra
HADJOUT Mohamed
ZERGUI Abdelkader
MOUHOUB
Et d’autres non encore identifiés.

Les activités secrètes de cette première cellule de nationalistes Bou-Ismailois étaient menées clandestinement dans le domicile de CHAOUCH Mohamed situé sur la rue qui descend vers la mairie. Malgré la vigilance des militants et responsables au maintien du secret sur la structure et l’activité politique du groupe, les services de police ont pu découvrir l’existence de cette cellule. La répression des autorités coloniales a été prompte pour démanteler et déstructurer la cellule et le réseau afin de faire éluder le rêve et l’aspiration des nationalistes Bou-Ismailois semblable à l’ensemble du peuple algérien. Plusieurs militants furent recherchés et traqués, ensuite exilées ou emprisonnées. CHAOUCH Mohamed fut l’un de ces militants responsable de la cellule du PPA arrêté par les forces d’occupation en 1945. Il fut transféré à la prison de Bossuet ou il endura une peine de plusieurs années dans cet établissement carcéral notoire ou ont été regroupé la majorité des prisonniers politiques et militants nationalistes. C’était durant l’avènement du 8 Mai 1945 quand à Setif et Guelma, les forces colonialistes ont réprimés sauvagement un soulèvement pacifique de la population musulmane. Quarante cinq milles musulmans ont été sauvagement massacré durant deux jours de répression sauvage inégalée. Apres l’arrestation de CHAOUCH Mohamed, plusieurs membres de cette cellule non identifié par les services de police sont rentrés en semi clandestinité mais ont continué leur activité politique de sensibilisation. Après un relâchement, la cellule de Bou-Ismail s’est reconstituée avec d’anciens et nouveaux militants sous la bannière d’un nouveau parti appelé MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques).

Le mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) de Messali Hadj, fondé en novembre 1946, était le fer de lance du nationalisme algérien. Il s'imposa grâce à son programme - l'indépendance totale. Avec ses militants aguerris par la clandestinité, et aux révoltes menées par le PPA (Parti populaire algérien), le MTLD l'héritier du PPA a passé à une phase de préparation pour déclencher la lutte armée. Ainsi la cellule de Bou-Ismail a repris ses activités clandestines au domicile de ZERGUI Kaddour situé à l’actuelle rue Hadjout Mohamed.


Dans le feu de l’action militante sous l’impulsion et l’expérience antérieur aux événements du 8 Mai 1945 et, par mesure de sécurité, le local et les activités de la cellule de Bou-Ismail furent incessamment transféré d’un domicile à l’autre, notamment le domicile de ABDELLAOUI Abdelkader situé dans la rue Djelloul Djebbour. L’engagement nationaliste et les sacrifices consentis par les militants de la cellule MTLD de Bou-Ismail a permis la politisation et la prise de conscience du fait colonial avec ses aspects esclavagistes au sein des citoyens, particulièrement la jeunesse qui était devenu le fer de lance de la lutte armée quelques années plus tard. La vente clandestine du journal Algérie Libre, la diffusion de tracts, de bulletins d’information et de propagande ont été menées avec dévouement par une frange de la jeunesse nationaliste naissante. L’activité du MTLD de Bou-Ismail emmena de hauts responsables du Mouvement à se déplacer et séjourner clandestinement dans notre ville. Ces hauts responsables étaient allés à la rencontre des militants de la mouvance nationaliste et à l’écoute des jeunes impatientés, partisans à l’action armée. Nous ne citerons qu’a titre d’exemple, le passage de Hocine LAHOUEL qui fut le secrétaire général et trésorier du M.T.L.D et les multiples missions de Djelloul MELAIKA, responsable de la région Sahel-Mitidja.



Nos glorieux Chouhadas




Mission non moins importante accomplie par les anciens militants de la cellule fut sans conteste la formation politique et idéologique de la jeunesse de Bou-Ismail et sa préparation à assumer des responsabilités dans le mouvement nationaliste et sa prédisposition à toute éventualité dans les actions devant être menées contre les forces d’occupation colonialistes. Dans ce mouvement de gestation, de maturation et de préparation à la lutte armée, vint la proclamation de la naissance du Front de Libération Nationale et du déclenchement de la guerre de libération du 1 Novembre 1954.


Dans un élan de patriotisme sans précèdent, les militants du MTLD de Bou-Ismail rejoignirent en force, spontanément et sans réserve les rangs du Front de Libération Nationale. Les militants FLN de Bou-Ismail sous la conduite de HADJOUT Mohamed, premier responsable de la cellule FLN, se sont activés dès les premières heures du déclenchement de la lutte armée, à mener des opérations clandestines de sabotage et de destruction des biens et des intérêts du colonialisme.




HADJOUT Mohamed, premier responsable de la cellule FLN de Bou-Ismail

HADJOUT Mohamed, figure emblématique de la lutte armée à Bou-Ismail était l'un des jeunes responsables de la cellule du Mouvement pour le Triomphe pour les Libertés Démocratiques et l'un des premiers militants affilié à l'Organisation Spéciale OS paramilitaire fondée en février 1947. Ses efforts déployés dans le militantisme lui permirent de devenir le premier responsable de la cellule FLN de Bou-Ismail. Il fut un militant irréprochable aux positions inébranlables. Il était chargé de l'organisation du réseau de militants FLN dans la ville. Il était employé, tout en exerçant ses activités politiques et révolutionnaires clandestinement, consistant à distribuer des tracts, communiquer les instructions du FLN, faire de la propagande pour le front et collecter les fonds. Son activité était intense et remarquable jusqu'à son arrestation en 1956. Les autorités françaises lui firent subir les pires humiliations et tortures avant de l’assassiner lâchement au seuil de son domicile situé dans l’ex rue Victor Hugo qui maintenant porte son nom.



Apres l’arrestation et l’exécution sommaire du valeureux militant HADJOUT Mohamed en 1956, tous les jeunes militants de la cellule FLN de Bou-Ismail furent contraints de rejoindre les rangs de l’ALN. Nous citerons ceux qui sont tombés au champ d’honneur :

HADJOUT Mohamed Mohamed Brahim Brahim Ahmed Ali Boubekeur Mohamed Mohamed Abdelkader Mohamed Abdelkader Abdelkader M'Hamed Kadour Mohamed

En ces Martyrs de la révolution que Bou-Ismail a perdu ses meilleurs fils, d’autres Moudjahiddines et militants de l’organisation nationaliste demeurent à ce jour en vie et certains décédés après l’indépendance.



Des assassinats froidement perpétrés par les forces d’occupation sur des civils parmi des enfants de Bou-Ismail laissent gravés à jamais dans la mémoire collective des Bou-Ismaillois d’autres militants valeureux de l’OCFLN (Organisation Civile du Front de Libération Nationale) tels que :

DJEBBAR Mohamed Mouloud Bouamra Abdellah Mohamed Abdelkader Djelloul Maazouz tant d’autres


Dans la continuité de l’action révolutionnaire, les citoyens et citoyennes de Bou-Ismail ont répondu vaillamment à l’appel du Front de Libération Nationale pour sortir le 11 Décembre 1961 dans les rues du secteur musulman pour revendiquer le droit à la Liberté et à l’Indépendance de l’Algérie. Ces valeureux hommes, femmes et enfants ont bravé les balles assassines des forces de l’armée d’occupation qui s’est déployée sur la limite des quartiers musulmans. L’action répressive et sanguinaire des troupes de l’armée d’occupation stationnées le long de la ligne de démarcation séparant les deux communautés pour arrêter un déferlement de la manifestation dans le quartier européen, fit des centaines de blessée et des morts parmi les citoyens et citoyennes de la ville. De la rue Victor Hugo au sis quartier « Rubichon », la soldatesque française assistée et appuyée par des volontaires européens de la GT (Garde Territoriale), Corps constitué de supplétifs civils européens, a déployé un arsenal militaire lourd pour arroser de balles et d’obus les manifestants civiles sans armes se trouvant en haut de la colline. On peut citer parmi les martyrs tombés ce jour fatidique du 11 Décembre 1961, la jeune écolière KHODJA qui avait a peine huit ans d’age.


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Photo inédite

11 Décembre 1961: Levée pour la première fois de l'emblème national dans le quartier du communal "Est -Judex" dans le secteur de "Ain El Berda"

Les citoyens et citoyennes de Bou-Ismail ont répondu vaillamment à l’appel du Front de Libération Nationale pour sortir ce 11 Décembre 1961 dans les rues du secteur musulman pour revendiquer le droit à la Liberté et à l’Indépendance de l’Algérie.


Sur la photo: Yahia Tafraouit (dcd), Benssouna Benhanachi (dcd), Ahmed Bouzaghti (dcd), Tayeb Bendraoua, Mohamed Dellaoui "Rouget" (dcd), Abdekader Bassour, Djillali Belhadj (dcd), Ali Bayaya (dcd), Bouamoud

Jeunes: Rachid Tafraouit, Djelloul Mechentel, Cherif Chenay, Djillali Anader et beaucoup d'autres à se faire connaitre

Léchec du putsch d’avril 1961 entraîna l’émergence d’un mouvement clandestin qui tentait, par l’action terroriste, de s’opposer à l’indépendance de l’Algérie. L’Organisation armée secrète (OAS) naît dans un premier temps à Madrid, fin janvier 1961, dans le cercle des exilés de l’Algérie française. Le général Salan et les meneurs des Barricades [janvier 1960] en fuite, Pierre Lagaillarde et Jean-Jacques Susini, en sont les fondateurs.



LOAS, se manifesta à Bou-Ismail par des lettres de menaces, par des ratonnades, par des plasticages des commerces des musulmans et par un racket destiné à remplir les caisses qu’alimentaient aussi les hold-up. A Bou-Ismail, elle opérerait par gradation allant de la menace à l’exécution par un commando, en passant par un avis de condamnation à mort et un plasticage d’avertissement.



Le Journal d'Alger 11 Juillet 1956


Parmi les dirigeants influents au sommet de la pyramide de l’organisation OAS figurait un Castiglionais notoire, Claude PIEGTS, fils de Roger, distributeur des boissons gazeuses et alcooliques, son dépôt se trouvait sur la route nationale en face de Casti-fleur. Claude PIEGTS, participa à l’attentat et la fusillade ratée en plein centre de Paris contre le cortège du Général De Gaulle. Son réseau était identifié et il fut immédiatement arrêté en tentant de retourner clandestinement en Algérie. Apres son procès en métropole et sa condamnation à la peine capitale, Claude PIEGTS et son complice Albert DOVECAR furent fusillés le 7 Juin 1962.


LOAS mobilisa les Français Castiglionais par ses mots d’ordre, comme, le 23 septembre 1961, lorsqu’il leur était demandé de manifester bruyamment en tapant sur des casseroles. À ces démonstrations s’ajoutait une irruption dans l’espace public par des tracts, une presse clandestine - Appel de la France, Journal de l’OAS, des émissions pirates et des inscriptions de slogans sur les murs du centre ville de Bou-Ismail. La forte présence des éléments de l’OAS à Bou-Ismail ou ils ont établi leur quartier général, constituait les années noires pour la population indigène.



Les membres de l’OAS maquillaient des 403 volées, dépouillaient des gardiens de la paix de leurs armes, se procuraient des faux papiers et trouvaient refuge chez des particuliers complices, qui tenaient appartement, villa, garage… à leur disposition. Le général Salan, membre fondateur de cette organisation terroriste, était réfugié à Castiglione avant son transfert clandestin par voie maritime vers l’Espagne à partir du port de Bouharoun. Castiglione était l’arrière base de repli et le centre de commandement des redoutables commandos deltas qui avaient ensanglanté et meurtri Alger, sa périphérie et toute la partie Ouest du littoral durant les années 1961-62.



Des commandos de trois ou quatre hommes mitraillaient des passants depuis leur voiture. De jeunes gens français, qui avaient reçu une arme après un bref contact, suivi de quelques rencontres, avec un membre de l’Organisation, prennent des Bou-Ismailois pour cible dans les rues du secteur Européen. Les commandos deltas basés à Castiglione programmaient des journées de tueries aveugles au centre ville, prenant des cibles arabes au hasard; notamment des commerçants musulmans, des femmes de ménage ou de simples gens qui s’aventuraient dans le quartier Européen pour des raisons de force majeur: consultation chez le médecin, pharmacie ou autres. Ses commandos deltas procédaient à des assassinats au hasard tel que le mitraillage des jeunes musulmans à l’intérieur du marché où succomba le jeune Bouzaghti qui pendant ce jour fatal gardait l’étal des fruits et légumes de son père. La boucherie de Firoud ainsi que d’autres commerces appartenant aux musulmans ou aux Européens indifférents qui ont résisté au racketteur de l’OAS, furent plastiqués en une nuit restée mémorable comme étant la nuit des artifices.



Les français Castiglionais libéraux et bienveillant qui s’opposaient à la politique de terreur et de terre brûlée prônait par l’OAS n’ont pas échappé à la règle; ils étaient autant ciblés. Particulièrement le Dr Merrau, confident et agent de renseignement du Général De Gaulle sur la situation du moment, fut ciblé plusieurs fois. Il avait échappé à maintes reprises à des fusillades du commando Delta devant son domicile. Par conséquent le Dr Merrau avec sa famille a fui Bou-Ismail pour se réfugier à Alger sous la protection des barbouzes; finalement son domicile qui se situait sur l’avenue de la plage au centre du fief de l’OAS fut complètement détruit par un plasticage. Un autre Castiglionais de souche française; officier mécanicien exerçant à la base aérienne de Boufarik, de tendance communiste et sympathisant de la cause Algérienne fut lâchement abattu au mois de novembre 1961 par des éléments de L’OAS lorsqu’il s’apprêtait à joindre son lieu de travail. Son épouse qui détenait un étal de poissons au marche, aussi sympathisante de la cause Algérienne, a pu échapper miraculeusement à un guet-apens. Elle a fui Bou-Ismail.



Cependant, la lutte anti-OAS menée à Alger par les commandos envoyés de métropole connue sous l’appellation « Barbouze » s’était étendue jusqu’à Bou-Ismail (Castiglione). Le 24 décembre 1961 au soir, quatre Vietnamiens « Barbouze » enlevèrent, square Bresson à Alger, Paul SINTES, le fils du patron du Café des Consulats, dirigeant des commandos OAS, et sa fiancée. Leurs corps seront retrouvés par les gendarmes sur la plage de Bou-Ismail (Castiglione). Tués tous deux d’une balle dans la nuque.


Durant cette période l’OAS sévissait et imposait son diktat dans la ville et ses environs du littoral. La population de Bou-Ismail a été marqué à jamais par la tragédie qu’a éprouvé et vécu la famille BECHKENDI qui a perdu plusieurs membres, massacrés par les hordes de l’OAS. BECHKENDI Bouamra, commerçant de son état au centre ville, était un militant des partis nationalistes de la première heure, notamment du PPA (Parti du Peuple Algérien) et le MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques). Lors de son déplacement à Alger en compagnie de son fils pour s’approvisionner en produit électronique (Postes Radio) pour son commerce, tous deux furent sauvagement abattus au seuil du magasin d’un grossiste négociant Européen à Belcourt (Alger). Lorsque la tragique nouvelle arriva à Bou-Ismail, la population arabe était consternée et attristée ; toute la ville s’est endeuillée. Malgré le danger de la route menant à Alger, devenue un « coupe gorge » pour les musulmans à proximité des villes Européennes, des volontaires au volant de l’ambulance de la municipalité avaient pris immédiatement la route pour rapatrier les dépouilles. Au retour d’Alger, l’ambulance fut arrêtée à un faux barrage routier au niveau de la ville de Guytoville (Ain Benian), dressé par un commando OAS ; le chauffeur et son accompagnateur volontaire furent froidement exécutés et l’ambulance brûlé. Le double drame s’est amplifié et la ville a totalement replongé dans l’émoi et le deuil. Le rassemblement de la population arabe devant le poste de la gendarmerie a contraint ce corps de sécurité d’envoyer une escorte de gendarmes et d’auxiliaires arabes armés pour rapatrier toutes les dépouilles.


Cet épisode a était le précurseur de la fracture finale entre les deux communautés, musulmane et européenne. Il était devenu très risqué et périlleux pour la population musulmane de s’aventurer dans le secteur Européen, même pour raisons de force majeur tel que médicales ou autres.




Chaque communauté s’était retranchée dans son secteur territorial sans savoir ce qui se passait dans l’autre jusqu’au jour de l’indépendance quand les premiers musulmans ont pénétré le secteur Européen pour le trouver vidé de sa population. Le secteur Européen de la ville, pivot de l’activité commerciale, économique et sanitaire était devenu inaccessible et impénétrable pour la majorité de la population de la ville. La ligne de démarcation qui séparait déjà les deux communautés depuis la création de la ville coloniale, était devenue la limite infranchissable. Le tracé de cette ligne démarrait du « Communal Est » longeant la rue Victor Hugo, l’actuelle rue Hadjout Mohamed, passant par la caserne de la Gendarmerie pour joindre le « Communal Ouest » en se prolongeant le long du quartier « Abattoir » jusqu’au cimetière musulman à la limite territoriale de la ville.



Tous les commerçants musulmans domiciliés et exerçant dans le quartier Européen ont cessé leur activité et abandonné leurs locaux; précédemment plastiqués par les commandos OAS qui ont mené une campagne meurtrière de destruction. Les quelques familles musulmanes assimilées qui ont pu s'établir dans le secteur Européen de la ville durant les années antérieures ont quitté temporairement leur domicile pour se réfugier dans les « communaux » du secteur sud.



Même les enfants écoliers et collégiens musulmans, n’ont pas été épargnés par la folie meurtrière des hordes de l’OAS. La dégradation sécuritaire était tellement accrue et aggravée que les directeurs des écoles localisées dans le secteur Européen, notamment l’école du centre et l’école de la plage, avaient instruit les enfants musulmans d’abandonner les bancs de ces établissements. Craignant des représailles, les enseignants Européens ont eux aussi désertés les établissements scolaires situés dans le secteur musulman, école Bou-Ismail (Kefta) et école du plateau (Akermi); ainsi tous les enfants musulmans se sont retrouvés à l’abandon durant toute cette période prolongée jusqu’après l’indépendance.



Durant cette période noire, la précarité de la population musulmane répercutée par un chômage massif induit par l’arrêt de l’activité économique et combiné avec une situation sécuritaire et sociale intenable ont mis l’organisation politique du FLN au devant de la scène pour prendre le relais et le rôle de la municipalité. Pour palier à cette situation insupportable, les commissaires politiques locaux du FLN ont promptement organisé et encadrée la population. Ils ont établi des comités de quartiers pour prendre en charge la sécurité, la santé, l’éducation et la solidarité sociale. Ainsi trois comités de quartiers furent constitués sur un découpage territorial englobant les secteurs musulmans comprenant le « Communal Est », l’Eucalyptus et le « Communal Ouest ». Chaque comité de quartier, dirigé par des citoyens volontaires supervisés généralement par des éléments de la direction politique régionale FLN/ALN, organisa l’administration et la défense civile des quartiers.



Des groupes d’autodéfense se sont constitués pour surveiller les points névralgiques des quartiers musulmans mitoyens ou à la limite du secteur Européen; principalement la zone de la ligne de démarcation comprise entre le poste de la gendarmerie et la cité HLM. Une chaîne de postes de surveillance était constituée le long de la ligne de démarcation allant du Communal Est au Communal Ouest. Les volontaires des groupes d’autodéfense étaient équipés d’armes blanches rudimentaires (couteaux, sabres, épées, lance-pierre, fourches) et de quelques armes à feu (pistolets et grenades) fournis par les agents de liaison ou commissaires politiques du FLN. Le rôle des volontaires était de détecter les incursions de nuit des commandos de l’OAS ou des soldats renégats parachutistes cantonnés à la périphérie de la ville. Ces groupes d’autodéfense étaient constitués principalement de citoyens d’age jeune ou moyen ayant une capacité physique et habitant le quartier. La mobilisation était généralisée à toutes les franges de la population musulmane; exception était faite aux personnes âgées, aux malades et aux pères de familles nombreuses d’enfants à très bas ages. La surveillance était parfaitement planifiée en tenant compte de la situation familiale du citoyen volontaire. Elle était programmée équitablement entre les membres du groupe et basée sur un système de rotation par équipe pour une durée de quatre heures. D’autre part, toute la population des quartiers était appelée à maintenir un vigile durant la nuit dans leur habitation pour renforcer le dispositif d’alerte et de résistance en cas d’une agression ou d’attaque. Ainsi, les habitants ont aménagé des plateformes au-dessus de leur porte d’entrée principale ou les membres de la famille maintenaient la sentinelle à tour de rôle. Sur leur plateforme ou terrasse de surveillance, les habitants ont tassé des tas de cailloux et des cocktails Molotov fabriqués de bouteilles de verre terminées d’une mèche et remplis d’un mélange explosif de carburant et d’alcool. Lorsque une incursion était détectée, l’alerte générale était immédiatement déclenchée par un sifflement qui entraîna instantanément des « You You » des femmes et un tapage continue sur ustensiles. Cette cacophonie avait un double effet psychologique pour dissuader et désorienter les provocateurs et assaillants et pour mobiliser et encourager les citoyens à joindre les groupes d’autodéfense pour repousser l’attaque.



Ainsi une certaine nuit de l’année 1961, un groupe de trois soldats parachutistes ont fait une descente sur la cité HLM située le long de la rue Victor Hugo (actuelle Rue Hadjout Mohamed). Le post de surveillance localisé au bas de cet immeuble était le premier à détecter l’incursion du groupuscule de soldats dés qu’ils ont franchi la ligne de séparation juste avant minuit. En utilisant un system de communication rudimentaire, le groupe avait alerté discrètement les autres postes pour un renforcement d’effectif afin de lancer l'assaut contre les assaillants. L’alarme générale n’a été déclenchée qu’après que les soldats ont pénétré l’immeuble et les deux portails des deux cages d’escaliers fermés et les issues sécurisées pour éviter toute évasion des soldats. Un sifflement a déclenché le branle-bas avec les « you you » qui retentissait de tous les coins des quartiers musulmans. Les groupes d’autodéfense des autres postes et les citoyens éveillés de tous les quartiers ont déferlé vers la cité HLM. Les soldats encerclés et assiégés ont paniqué; déroutées ils ne pouvaient trouver aucune issue de sortie pour s’évader. La riposte des citoyens s’est soldée par le lynchage à mort d’un des soldats tandis que le deuxième a été grièvement blessée mais secouru à temps par le renfort de la gendarmerie qui ont intervenue rapidement. Le troisième membre du groupe, plus agile, a pu s’échapper en sautant du balcon et a franchi la limite territoriale pour joindre le quartier Européen mitoyen.



Les commissaires politiques locaux du FLN, sortaient de leur clandestinité pour occuper une partie de l’école « Bou-Ismail », l’actuelle école « Kefta » qu’ils ont utilisé comme un centre de commandement des comités des quartiers et un centre communautaire ou une infirmerie était établie par des volontaires paramédicaux.


Auteur: Ali OUNZAIN (AOUNZA) - Juin 2007

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